• 73 – 2–01–2024

     

     

           Rêve, fiction et réalité.

         La plénitude ontologique du rêve et de la fiction, autrement dit l'impossibilité de tout redoublement imitatif, de toute représentation en leur sein, – tout y étant présent et rien absent (l'absence n'est pas le néant, elle suppose la présence de la chose quelque part "ailleurs"), – leur confère une densité qui les rapproche de ce que devait être la "réalité" pour les humains d'il y a mille ans, et pour nous-mêmes enfants.

         La réalité de ces hommes-là, notre réalité s'apparentait à celle que nous ne pouvons désormais plus expérimenter que lorsque nous lisons un roman ou une nouvelle, lorsque nous regardons un film ou une série, mais aussi lorsque nous rêvons. Tout ce qui n'était pas effectivement présent, tout ce qui ne pouvait se donner directement dans une perception, tout ce qui n'était pas saisi comme une chose donnée, ne pouvait qu'être imaginé. Or, dans la fiction, nous sommes enfermés dans une subjectivité dont les bornes sont pour nous infranchissables, sauf par l'imagination.  

        Notre réalité contemporaine est techniquement redoublée de reproductions innombrables, c'est-à-dire d'images et de sons qui constituent, par leur assemblage, autant de représentations de cette dernière. L'ère de l'information totale... Où l'absent est constamment sommé de comparaître par la présentation d'un medium ne valant rien pour lui-même. Et nous évoluons dans ce monde de simulacres sans valeurs, dont la fidélité croissante au modèle, dont l'objectivité supposée pour le dire vite, nous conduisent à ne plus questionner leur statut de représentation (ou alors par le recoupement ironique avec d'autres représentations...).

         Moins la représentation vaut pour elle-même, plus elle se veut transparente en somme, et plus nous nous en contentons comme substitut effectif de l'absent. L'absent devient alors sans mystère, sans ombre. Nous vivons une époque de lucidité forcée. Le rêve est refoulé.   

          Au fond, là est peut-être l'attrait paradoxal que nous trouvons aux fictions, aux jeux immersifs, au rêve, etc.. À tout ce qui nous captive. Nous cherchons peut-être par là à revivre un rapport au réel que nous savons définitivement perdu. Un rapport à quelque chose de clos, à quelque chose qui nous résiste, dont les limites sont nettement établies et permettent, du même coup, à l'imaginaire de trouver sa situation et d'éclore.

           Le véritable réel, pour un humain, c'est celui qui n'interdit pas le rêve par l'accumulation de représentations fidèles de l'absent. Car il n'y a plus de présence là on l'on ne peut plus subir l'absence.

     

     

     

     

     

     


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